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Jean-Jacques Cheval
Maître de conférences à l’Université Michel
de Montaigne – Bordeaux 3
Chercheur associé au laboratoire CERVL- Pouvoir, Action publique, Territoire
(UMR 5116 du CNRS)
Responsable du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio (GRER)
Cet article est paru dans Histoire et médias, actes de la journée d'étude autour du Professeur André-Jean Tudesq, 24 janvier 1997, Textes réunis par Nicole Robine, Talence : Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 1997, 114 p.
LES ÉTUDES HISTORIQUES DE LA RADIO
En 1981, le professeur
espagnol Angel Faus-Belau présentait un livre sur la radio qu'il intitulait
: La Radio, introduction à un média méconnu . En 1989,
les Anglais Peter M. Lewis et Jerry Booth publient : Le médium invisible,
la radio publique, commerciale et communautaire . Plus proche de nous en 1995,
aux États-Unis, paraît, sous la direction de Edward C. Pease et
Everette E.Dennis : Radio, le média oublié . Tour à tour
et d'un pays à l'autre, ces titres semblent s'accorder pour souligner
combien la radio est passée au second plan des préoccupations
éditoriales et scientifiques et comment ce média, si présent
encore, paraît l'objet de peu d'attention. La France ne figure pas dans
cette énumération bibliographique mais longtemps la situation
n'y fut et, encore partiellement, n'y est guère différente. De
fait, l'examen des ressources bibliographiques sur les moyens d'information
révèle aisément les déséquilibres des recherches
entre les médias. La presse écrite originellement et assez naturellement,
la télévision ensuite, les nouvelles techniques de communication
aujourd'hui, accaparent le devant de la scène scientifique ; quand elles
ne sont pas elles-mêmes supplantées de plus en plus souvent par
des recherches portant sur d'autres domaines de la communication, des problématiques
et des domaines extérieurs aux médias et à l'information.
Nous ne sommes sans doute plus à l'époque où l'on prédisait
la disparition prochaine ou à terme de la radio menacée par la
télévision. Mais on peut encore noter et regretter, un déficit
de recherches et de chercheurs en matière de radio. Faut-il pourtant
rappeler que la radio reste, en cette fin de 20° siècle, le média
le plus répandu à travers le monde. Ou bien pour nous en tenir
à l'exemple français, qu'elle est le média que plus de
80% de nos compatriotes fréquentent chaque jour, en semaine, et auquel
ils consacrent en moyenne deux heures et demie de leur temps quotidien . Un
temps qui est rarement, il est vrai, exclusif, mais qui témoigne toujours
de l'impact social et de la familiarité de la radio pour tout un chacun.
Pour autant, les études et recherches portant sur la radiodiffusion ne
sont pas non plus inexistantes. En effet, depuis les années 70 un mouvement
de rattrapage a pu être constaté et en particulier dans le domaine
historique. Des travaux nombreux sont venus en partie remédier aux lacunes
que nous venons d'évoquer. Le professeur André-Jean Tudesq a fait
partie de ceux qui y ont grandement contribué.
Les premiers écrits
sur la radiodiffusion furent en très large part des témoignages
d'acteurs, professionnels ou non, engagés à divers titres et positions
dans cette activité. Comme André-Jean Tudesq a lui-même
pu l'écrire, si les historiens ont longtemps ignoré la radiodiffusion,
de même d'ailleurs que le cinéma et la télévision,
ce fut sans doute parce qu'ils étaient plus "attachés au
support écrit et même plus particulièrement au document
écrit", et sans doute aussi parce que "les relations entre
universitaires et mass media ont été longtemps conflictuelles"
. Mais, il ne s'agissait pas non plus que de réticences mentales ou disciplinaires
et d'autres raisons objectives devaient être prises en compte. Ainsi,
la radio elle-même ne s'est préoccupée que tardivement de
sauvegarder les traces de son existence, alors même que la mise au point
de supports de conservation efficients et durables fut longue et échelonnée
dans le temps. Enfin les difficultés d'accès aux archives, quand
elles existent (barrières ou carences administratives, dispersion des
fonds), constituaient d'autres obstacles qui découragèrent aussi
les volontés en ce sens.
André-Jean Tudesq prend conscience du champ qui reste ouvert à
l'investigation universitaire en préparant, au début des années
70, un cours d'agrégation portant sur les moyens d'information en France
entre 1934 et 1958. Il constate alors la pauvreté bibliographique sur
le sujet. Quand, en 1972, paraît l'ouvrage novateur de Pierre Miquel :
Histoire de la radio et de la télévision , il remarque que ce
travail d'Histoire générale et non limitée à la
France, traitait bien plus de la radio et de la télévision aux
États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, qu'en France en raison
même du peu de travaux publiés dans notre pays sur le sujet. On
peut aussi ajouter que le professeur André-Jean Tudesq trouve là
un motif supplémentaire à s'intéresser au sujet en cultivant
la propension qu'il a toujours eu à travailler sur les sujets peu investis
par ses collègues.
Depuis les travaux se sont fait plus nombreux, les publications d'ouvrages,
les articles dans des revues scientifiques ou de vulgarisation, les contributions
dans des colloques et des journées d'études, les travaux d'étudiants,
mémoires ou thèses, se sont multipliés. Des centres de
recherches, tel le Centre d'Études de Presse, ou des groupements divers
favorisent l'investigation, la recension et la conservation des documents, en
même temps que la collecte des sources orales qui, peu à peu, dans
un cycle naturel s'estompent.
A la fin des années 70, André-Jean Tudesq participe à la
création du GEHRA (le Groupe d'Études Historiques sur la Radiodiffusion,
dont la composition est à dominante universitaire. Parallèlement
se sont mis en place le Comité d'Histoire de la Radio et le Comité
d'Histoire de la Télévision (regroupant plutôt des professionnels
à l'origine). Ces trois structures ont organisé conjointement
à partir de 1984, cinq journées d'études thématiques
sur l'histoire de la radio et de la télévision française,
fort riches et mobilisatrices, dont la succession s'est hélas interrompue
depuis 1992 .
Depuis décembre 1982, le Comité d'Histoire de la Radio publie
les Cahiers d'Histoire de la Radiodiffusion dont chaque livraison enrichit régulièrement
l'historiographie de la radio. A l'occasion de la parution récente du
50° numéro, la publication d'un index et d'un catalogue rappelant
l'ensemble de la production depuis sa création, démontre les efforts
et le travail accomplis.
Parmi les travaux notables portant sur l'histoire de la radio, et sans avoir
la prétention à être exhaustif, nous nous permettrons de
rappeler quelques-unes des publications qui ont marqué des étapes
importantes dans l'invention de l'histoire radiophonique française. L'ouvrage
de René Duval L'Histoire de la radio en France fut sans doute l'un d'eux,
malgré une orientation un peu anecdotique. Il est consacré pour
l'essentiel à la naissance et au développement du média
dans l'entre-deux-guerres Une période dont la connaissance et les problématiques
ont été reprises et enrichies par la pertinente Histoire de la
radio des années trente de Cécile Méadel . Tandis que la
personnalité de certains pionniers de la radiodiffusion commence à
être mieux connue à travers des travaux comme celui de Michel Amoudry
sur le général Ferrié . La période de la seconde
guerre mondiale a fait l'objet de travaux de nature diverse .
Depuis 1995, on ne peut assurément méconnaître la somme
monumentale de Christian Brochand en deux volumes, Histoire générale
de la radio et de la télévision en France 1921-1974 . D'un autre
point de vue la vivante histoire des émissions radiophoniques de Jean-François
Remonté et Simone Depoux : Les années radio, 1949-1989 –
à laquelle s'ajoutent des enregistrements et des séries d'émissions
diffusées par France-Inter – comble un vide en offrant une approche
attrayante à travers des évocations nostalgiques et des illustrations
sonores. Radio France prolonge cette action depuis plusieurs années en
rééditant notamment la série mythique Les Maîtres
du Mystère. Dans le même esprit, les éditions Phonurgia
Nova, associées à l'INA, s'attachent à la conservation
et à la diffusion de grands moments de la création radiophonique
à travers la publication de compacts-disques. En 1997, elles ont ainsi
exhumé la fameuse émission dramatique "Maremoto" de
Gabriel Germinet, qui annonce avec 14 ans d'avance la "Guerre des Mondes"
d'Orson Welles, également au catalogue de cet éditeur .
L'histoire de la radio trouve, en outre, sa place dans de nombreux ouvrages
consacrés à l'histoire des médias en général
ou des techniques d'information. Dans le cadre français, apporter une
vision historique générale est ainsi le choix d'Élisabeth
Cazenave et de Caroline Ulmann-Mauriat, auteurs de Presse, radio et télévision
en France de 1631 à nos jours . Et l'on peut également citer le
manuel : Une Histoire des médias des origines à nos jours de Jean
Noël Jeanneney . Associant l'histoire des techniques et leurs différentes
appropriations et usages, les livres de Pascal Griset : Les Révolutions
de la communication, XIX° - XX° et Patrice Flichy : Une Histoire de
la communication moderne, espace public et vie privée , offrent sur le
sujet des visions éclairantes, à la fois particulières
et d'ensemble, insérant leur propos dans l'histoire globale des sciences
et des techniques.
Enfin bien sûr, il n'est pas possible d'oublier l'Histoire de la radio-télévision
dans la fameuse collection Que-Sais-Je ? Écrite en collaboration par
Pierre Albert et André-Jean Tudesq, maintes fois rééditée,
traduite en espagnol, portugais et italien, elle a constitué et constitue
toujours une référence de base fort utile pour des générations
d'étudiants. Elle a été récemment complétée
par l'ouvrage richement et agréablement illustré, d'Antoine Sabbagh,
La radio rendez-vous sur les ondes .
Par ailleurs, certaines entreprises ou stations ont fait l'objet d'études
individuelles. Et l'on pense bien sûr aux monographies réalisées
sur RTL et Europe 1 avec les livres de Denis Maréchal : Radio Luxembourg,
1933-1993. Un média au coeur de l'Europe et Luc Bernard : Europe 1, la
grande histoire dans une grande radio .
L'historiographie de la radio semble donc aujourd'hui un domaine abondamment
couvert ce qui n'exclut pas bien entendu que celle-ci puisse progresser encore
et que sa divulgation dans le grand public soit améliorée. En
1995 ou 1996, n'a-t-on pas assisté à quelques diverses initiatives
– en France, mais aussi en Russie ou en Italie – visant à
célébrer le centenaire de la radiodiffusion. Ce qui avait à
peu près autant de sens qu'il y en aurait eu à célébrer
en 1937 le centenaire de la naissance du téléphone à la
date anniversaire habituellement retenue pour dater l'invention du télégraphe
électrique. Ces initiatives, rares il est vrai, révèlent
néanmoins l'ignorance assez répandue et persistante des étapes
constitutives de l'émergence du médium radiophonique.
Plus proche de nous, à la fin des années 70 et dans la décennie
suivante, le mouvement des radios libres et l'évolution des radios locales
privées participent incontestablement à une relance d'intérêt
plus contemporain, immédiat et diversement motivé, pour la radio
rajeunie et alors parfois improprement qualifiée de nouveau média.
Parmi les publications et documents datant de cette époque et depuis,
on trouvera bon nombre de références qui concernent alors les
bouleversements du système radiophonique, la recherche de formes alternatives
de communication et l'annonce de la dérégulation globale de l'audiovisuel
français. On y distinguera les guides, les discours militants, les témoignages
à chaud d'intervenants ou de journalistes et les premières tentatives
d'observation et d'analyses aux travers des différents prismes des sciences
humaines et en particulier d'une discipline en plein développement dans
les années 80, les sciences de l'information et de la communication auxquelles
André-Jean Tudesq a choisi de se rattacher.
François Cazenave, Claude Colin, David Charasse, Pierre-Claude Bellanger,
Annick Cojean et Franck Ezkenazi, Jacques Soncin et Jean Benetierre, Jean-François
Bizot et bien sûr Robert Prot, figurent parmi les auteurs qui apportent
de manière contrastée leur pierre à cet édifice
. J'en omets certainement beaucoup et cette courte liste ne saurait non plus
être considérée comme complète, sinon peut-être
comme représentative.
L'intérêt pour les nouvelles formes radiophoniques semble, hélas,
s'être résorbé avec leur banalisation et leur insertion
dans le système radiophonique global. On ne peut que constater à
nouveau le déficit anormal dont pâtissent les études radiophoniques.
Les publications ayant trait à l'actualité et aux perspectives
de la radiodiffusion ont tendance à se raréfier en dehors des
cercles étroits des professionnels (hommes de radio, publicitaires, techniciens)
qui poursuivent leurs travaux dans des directions variées mais le plus
souvent de façon utilitaire ou légitimement intéressée.
Alors qu'on ne peut que regretter le faible questionnement des chercheurs universitaires
sur les questions de fond et les enjeux multiples de la radiodiffusion contemporaine.
A ceux-là, les travaux menés par André-Jean Tudesq peuvent
servir de référence et aussi de guide méthodologique.
L'attention que
porte André-Jean Tudesq à la radio ne se réduit jamais
à son seul objet mais s'inscrit toujours dans des perspectives d'ensemble
et s'insère dans des préoccupations multilatérales. Qu'il
aborde la radio des années 20 ou celles des années 80, André-Jean
Tudesq le fait en historien, pour qui il est possible d'étudier historiquement
les phénomènes contemporains sous la double condition de situer
le présent par rapport à l'évolution passée et de
mettre l'accent sur les corrélations entre les différents aspects
de la réalité qui font éclater les barrières des
disciplines ou des méthodes trop spécialisées . Ici, comme
dans d'autres aspects de son travail, il s'affirme adepte de la pluridisciplinarité
sans toutefois oublier sa formation originelle.
Dans ses travaux, la radio est appréhendée à travers ses
diverses dimensions (techniques, économiques, sociales, politiques, culturelles
ou psychosociologiques). Selon lui, elle prend place dans des systèmes
d'information qui ne sont pas autonomes par rapport à la société
globale. Avec eux la radio est reliée :
• au système politique par le statut qui lui est donné et
par le pouvoir que l'on attribue aux messages et à l'information;
• au système économique par la valeur de ce qui est diffusé
et par le coût nécessaire à sa production ;
• au système culturel, car la radiodiffusion transmet, traduit
et reflète toujours une idéologie, inhérente à toute
expression.
Dans le même temps la radio s'inscrit dans des systèmes de communication
définis par les techniques de diffusion en présence et le jeu,
concurrentiel ou complémentaire, de supports de la communication différents
.
Il est sans doute intéressant de noter que la rencontre du domaine de
prospection radiophonique par André-Jean Tudesq s'opère par une
sorte de glissement d'un objet d'étude à l'autre. Ayant exploré
l'histoire de la presse et les journaux comme documents et sources de l'Histoire,
il aborde l'émergence de la radio en étudiant les interactions
de celle-ci avec la presse écrite, interactions parfois conflictuelles
mais où se construisent, souvent à l'insu des parties prenantes,
de nouveaux systèmes d'information.
Sa première intervention publique sur la radio remonte, je crois, à
1973. Présentée devant la Société d'Histoire Moderne,
elle porte sur "Les rapports de la presse et de la radio en France entre
les deux guerres mondiales". Ce travail est poursuivi par la publication
d'un article intitulé "De la TSF à la radiodiffusion : la
presse française et l'apparition d'une nouvelle technique d'information"
dans la Revue Historique en 1977 ; puis par "La naissance de la presse
de la radiodiffusion entre les deux guerres mondiales" .
L'implication du politique dans la radio et de celle-ci dans le politique lui
ont fournis l'objet de plusieurs travaux croisés. A son article "La
Politique de la radio en France, 1926-1932" répond "La Radiodiffusion,
la presse et la vie politique en France, 1924-1932" , tandis qu'il s'interroge
sur la perception et les enjeux politiques de l'information radiodiffusée
dans les années 30, aux temps des ligues, du Front Populaire et de la
crise de Munich .
Dès 1976, en collaboration avec Élisabeth Cazenave, il rédige
une étude sur "Les élections radiophoniques de 1937",
publiée dans la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine . Ils analysent
ainsi les tentatives initiales de gestion démocratique de la TSF dont
les élections radiophoniques de 1935 et 1937, même avec leurs limites
et imperfections, furent des exemples.
Ses études historiques sur la radio ne sont pas circonscrites à
l'entre-deux guerre. André-Jean Tudesq aborde également "Les
Nouveaux aspects de la radiodiffusion au lendemain de la 2° guerre mondiale",
et le rôle ou la place de la radio en rapport à des moments-clés
de notre histoire récente : le gouvernement Mendès-France en 1954-1955
, 1958 et le retour du général de Gaulle au pouvoir , mai 1968
et ses événements qui affectent profondément l'ORTF . Ses
travaux prennent dès lors généralement en compte l'essor
et l'implantation concomitante de la télévision .
Si les dimensions nationales et internationales de la radio n'échappent
pas à sa curiosité (mais je n'évoquerais pas ici les travaux
africains en la matière pour ne pas empiéter sur les interventions
à venir cet après-midi) les applications infra-nationales, régionales
ou locales, de la radio font très vite partie de ses préoccupations
s'articulant avec d'autres études et directions de recherche sur la dimension
locale et la notion d'information locale. L'étude de la naissance des
postes régionaux de radio dans l'entre-deux-guerres à travers
sa contribution déterminante "Naissance et originalité des
stations régionales de TSF" ou "La radiodiffusion en Languedoc
avant la deuxième guerre mondiale" permettent une approche non parisienne,
décentralisée de la naissance de la radiodiffusion française.
Plus tard, il est parmi les premiers à se confronter au mouvement turbulent
et bien peu académique des radios libres qui défrayent la chronique
au tournant des années 70 et 80. Il en résultera une suite de
travaux individuels ou collectifs qu'il mène et/ou dirige. En 1987, la
Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine publie "Les Mutations de la
radio en Aquitaine , exemple inégalé en France de l'étude
exhaustive du développement des radios libres et locales privées
sur l'ensemble d'une région. Dans le prolongement de cette étude
viendra "L'évolution des systèmes de communication en Aquitaine"
en 1991 . Le rapprochement des résultats de divers de ses travaux sur
des situations historiques éloignées, lui offre la matière
de fructueuses comparaisons :"La confrontation des radios publiques et
des radios privées en province : les expériences françaises
: 1925-1934 et 1982-1986" .
Dépassant les tableaux historiques, à travers le thème
de l'information, André-Jean Tudesq s'est interrogé sur les conditions
de production des discours médiatiques en général ou du
discours radiophonique en particulier et sur le rôle et l'intervention
de ceux qui le produisent, les journalistes en particulier .
En même temps qu'il menait de front ces divers travaux André-Jean
Tudesq s'est soucié de réfléchir sur les méthodologies
de la recherche portant sur la radio et l'audiovisuel, tout en en posant les
bases, notamment en recensant des sources disponibles et en proposant certaines
pistes d'investigation .
La destination et l'impact des discours radiophoniques ne lui sont pas non plus
indifférents. En aval des messages, l'audience des médias a fait
l'objet de ses attentions à plusieurs reprises. Qu'il s'agisse d'observer
les progrès de la vulgarisation de la radio aux lendemains de la Libération
et durant la IV° République ou de mesurer l'impact des nouvelles
formes radiophoniques en régions dans les années 80. Il en a découlé
notamment la réalisation d'un sondage régional en 1986, "Comment
communiquent les aquitains ?", présenté à l'Université
d'été de la Communication à Carcans-Maubuisson . Travail
qui fut relayé, quelques années plus tard, dans le cadre du Centre
d'Etudes des Médias, par le dépouillement détaillé
d'une enquête régionale réalisée par Médiamétrie
en 1989 .
En dehors de son apport personnel direct, André-Jean Tudesq a entraîné
et inspiré de nombreuses personnes à sa suite. Il a dirigé
une somme conséquente de travaux sur la radio, la thèse d'Élisabeth
Cazenave sur "La Naissance de la radiodiffusion dans le Sud-Ouest aquitain"
, celle de Caroline Mauriat portant sur "L'Emergence de la radiodiffusion
dans la vie politique française" figurent par exemple parmi les
thèses qui ont grandement contribué à améliorer
la connaissance des débuts de la radiodiffusion française. Il
faut y ajouter les nombreux travaux portant sur la naissance et les structures
des systèmes radiophoniques africains. Et je dois dire ici que l'auteur
de ces lignes a la fierté et la reconnaissance de figurer parmi ceux
que André-Jean Tudesq a orientés et formés dans le domaine
de l'étude radiophonique et plus particulièrement celui des radios
locales privées .
Dans le domaine de l'enseignement, avec lui, à l'Université Michel
de Montaigne - Bordeaux III, l'étude de la radiodiffusion, à côté
des dorénavant classiques études de presse, a trouvé rang
au sein des sciences auxiliaires de l'Histoire.
Prolongeant l'enseignement et la formation de nombreux étudiants, la
vulgarisation de ses travaux a été aussi un des soucis du professeur
André-Jean Tudesq dont témoignent ses collaborations à
des revues ou des médias à large audience . Durant ces dernières
années, son implication au sein de l'association La Mémoire de
Bordeaux en est tout autant la preuve. Dans ce cadre, il a animé et dirigé
un numéro de la revue Empreintes consacré à l'histoire
de la radio bordelaise. Ce fut l'occasion de préserver un patrimoine
bordelais, de raviver les souvenirs et d'offrir, à ceux qui contribuèrent
à cette aventure, la garantie que les traces de leurs investissements
personnels et professionnels ne seraient pas oubliées. Un nouveau numéro
portant, celui-là, sur la télévision régionale est
en préparation et d'autres projets se dessinent pour le futur.
Enfin, André-Jean Tudesq n'a pas fait que chercher, écrire et
professer sur la radio, lui-même a aussi fait de la radio. Passant de
l'autre côté du micro, il fut invité à diverses reprises,
sur les ondes nationales de France-Culture, sur les ondes de radios africaines
ou sur celles du télé-enseignement de l'Université de Bordeaux
III qui sont relayées par de nombreuses radios locales en Aquitaine.
oo0oo
Si l'on désigne chacun des travaux d'André-Jean Tudesq sur la
radio à travers des mots-clés, la multiplicité des entrées
mais, en même temps, les connexions évidentes qui apparaissent
entre les termes, l'entrecroisement des idées, des préoccupations
et des démarches témoignent à l'évidence de la richesse
et de la cohérence de son apport au sujet qu'il a arpenté durant
de longues années. Il va sans dire que nous souhaitons qu'il continuera
tout aussi longtemps à les explorer.